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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 23:47

Voilà enfin la dernière version de la fiche de personnage !

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3 mai 2012 4 03 /05 /mai /2012 22:46

*Ceint son front d'un bandeau rouge et allume quelques bâtons d'encens*

 

Il est grand temps que je révèle l'une des arcanes ultimes de l'impro ! L'un des trois grands secrets passé de génération en génération d'improvisateurs... Mais avant, une page de pub...

 

 

Des concepts développés dans Centile

 

Juste pour information, tous les concepts présentés ici sont développés plus profondément dans le livre de base de Centile. De plus, vous y trouverez, évidemment, les deux autres "arcanes secrètes" de l'impro qui m'ont été enseignés par des vieux maîtres à longue barbiche blanche parlant par énigmes.

 

Je vais faire ici un petit rappel des outils d'improvisation dont Centile s'inspire régulièrement (et grâce auxquels je passe depuis bien des années de très très agréables parties) :

 

  • "Pose ta plateforme" : Prendre le temps de créer des relations et un décor qui tiennent la route

 

  • "Be obvious" : Ne cherche pas à faire original, les choses surprenantes viendront d'elles-mêmes, naturellement.

 

  • "Tu auras au moins un tilt dans ton scénario" : Les joueurs sont là pour être changés par ce qu'il se passe, fais évoluer les relations car c'est là qu'une histoire devient intéressante !

 

  • "Ecoute, percute, laisse-toi toucher par ce qu'il se passe !" : En réagissant vivement sans craindre mes émotions, je crédibilise et donne de la force à ce qu'il se passe dans la scène

 

  • "Tu diras 'oui', tu diras 'oui et même que...' " : Je n'ai pas peur de dire "oui" à mes joueurs, j'ai confiance en l'histoire mais je sais reconnaître les "non" qui sont constructifs.

 

  • "Tu prendras un statut bas face à un statut haut" : l'opposition frontale est stérile, les statuts sont intéressants... surtout quand on prend le temps de les renverser !

 

  • "Tu prendras des risques" : Car seuls ceux qui risquent grandement peuvent réussir grandement ! Parce que l'échec n'est pas un drame et que je ne le crains pas.

 

  • "Quand j'improvise, je ne regarde pas devant mais derrière, car tout est déjà là" : je sais récupérer tout ce que les joueurs m'ont donné et le réutiliser dans la scène. Ainsi, tout est plus évident et donc plus plaisant.

 

 

Rassurez-vous, dans Centile on écrit aussi ses scénarios et on prévoit beaucoup de choses ! Mais tout le système est fait pour que vous puissiez partir en roue libre quand bon vous semble.

 

 

L'arcane secrète n°1 de l'impro : "Make your partner look good !"

 

 

C'est aussi simple que ça.

 

Cette phrase vient de Keith Johnstone et a prouvé un nombre incalculable de fois son efficacité (et pourtant, on ne compte plus les tables de jdr qui ne respectent pas ce principe). Soyez positif envers votre partenaire qu'il soit joueur ou MJ ! Portez-le aux nues ! Comme disait l'un de mes anciens coachs "évitez les 'j'ai mal au cul' " et autres phrases qui ne donnent pas envie de jouer avec vous. Si votre joueur réussit un jet de dés quelconque, mettez toute votre énergie à narrer la brillance de sa réussite. Mieux, laissez-le la narrer à sa convenance.

 

Il est presque impossible de contourner ce principe dans Centile.

 

Celui-ci est vertueux à tant d'égards : il met les joueurs en confiance, il donne envie d'avancer dans l'histoire, il implique les joueurs dans leur personnage, il rend l'histoire plaisante, il renforce les synergies, il fédère les équipes et il confère un relief incomparable aux scènes d'échec (qui précèdent en général le combat final, augurant le retour des héros).

 

A n'importe quel moment de la partie, quand vous ne savez pas quoi faire, rappelez-vous : faites-en sorte que votre partenaire de jeu ait l'air bon. Oubliez votre égo en tant que joueur et aidez votre camarade de jeu. Que ce soit gratuit ou que cela amène une conséquence scénaristique (comme souvent), n'hésitez pas une seule seconde. Même lorsqu'il chute, la défaite du héros a quelque chose de sublime, d'aérien et de splendide.

 

Parce que des joueurs qui se sentent bien, qui sont en confiance avec leur MJ, qui ne craignent pas le sadisme trop souvent banalisé du Meneur, ce sont des joueurs qui donneront le meilleur d'eux-mêmes et iront le sourire aux lèvres dans vos pièges les plus tordus car ils savent que vous les ferez briller de tous leurs feux dans la victoire comme dans la déconfiture.

 

La confiance est sacrée et fondamentale lorsque vous improvisez. Elle se gagne pourtant si simplement : en se mettant au service de l'histoire et, partant, au service de nos partenaires de scène.

 

Dans les affres les plus douloureux ou la plénitude extatique, avec sincérité "make your partner look good".

 

 

 

Il s'agit du dernier article sur l'impro du blog, le reste se trouve dans le livre... en espérant que ça vous ait été utile et que ça vous ait donnés envie d'en savoir plus !

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23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 17:29

 

Aussi surprenant que cela puisse paraître, les techniques d'improvisation s'articulent également autour d'un certain nombre d'interdits. Comme toutes les règles qui s'érigent en principes directeurs, elles connaissent leurs limites et ne sont pas des vérités absolues. Néanmoins, n'oublions pas de faire preuve d'humilité et de revenir très souvent à ces concepts fondamentaux (à moins que vous ne vous considériez déjà comme un grand maître de la Discipline, il est difficile de leur tordre le cou...).

 

 

Ce que le format du Match d'impro peut enseigner aux rôlistes

 

Une partie de jdr s'apparente plutôt à un format d'impro dirigée, avec l'analogie improvisateurs/PJ et Directeur Artistique/MJ. Néanmoins, le format match est riche d'enseignement pour tout rôliste qui s'y penche un peu.

 

 

Le Format (en très très rapide)

 

match-d-impro_h192.jpg

 

Développé par le Québecois Robert Gravel, le match d'impro s'inspire directement des match de Hockey. 2 équipes de 6 improvisateurs jouent sur une scène figurant une "patinoire" selon des thèmes, des catégories, un nombre de joueurs et une durée définis par un arbitre. A la fin de chaque scène, le public vote pour l'équipe qu'il a préférée, lui donnant ainsi un point.

 

Avant chaque scène, chaque équipe fait un caucus d'une vingtaine de secondesc'est-à-dire qu'il brief le joueur qui va rentrer sur scène pour qu'il ait un minimum de préparation. Les équipes font évidemment semblant de jouer "contre l'autre", l'objectif étant de donner un spectacle plaisant.

 

Ce format est extrêmement difficile car il implique de jouer avec des personnes que l'on ne connaît pas. De plus, la rencontre des 2 caucus impliquent une excellente connaissance des mécanismes de scène (cf. le principe Proposer/Ecouter/Percuter). Afin de garantir la qualité du spectacle et d'aider les joueurs à surmonter toutes ces difficultés, un ensemble de fautes peuvent être sifflées par l'arbitre. Ce sont ces interdits qui nous intéressent aujourd'hui.

 

 

Les fautes en match

 

La rudesse

 fuck_you.jpg

Tristement populaire, la rudesse correspond à une attitude physiquement rude ou dangereuse d'un joueur par rapport à l'autre (relativement rare en jdr, mais ça s'est déjà vu : rappelez immédiatement à l'ordre ces joueurs un peu trop immersifs, même si ils disent que c'est pour du rire !). C'est aussi le fait d'imposer une idée sur scène ou de refuser celle que l'on nous tend sans que cela aille dans l'intérêt de l'histoire.

 

C'est déjà plus commun dans le jdr : qu'ils soient joueur ou MJ, certaines personnes refusent catégoriquement les propositions qu'on leur fait. "Non, j'en ai rien à foutre que tel PNJ qui a été défini comme mon pote soit en danger", "Non, l'excellente idée d'un joueur risque de le faire surmonter l'obstacle trop facilement, donc non, TGCMJ." 

 

Cette faute a trait à l'un des nombreux mécanismes de peur qui sont dûs à l'angoisse que peut susciter l'improvisation. Pour se protéger, rien n'est plus facile que de "dire non", prendre un statut irrémédiablement haut ou humilier l'autre. Cela asseoit une position dominante, sans risque et donc rassurante. Ainsi, ce qu'on enseigne aux débutants en impro c'est "d'accepter ce qui se passe sur scène", voire (un peu abusivement) "de dire oui". Quand vous ne savez pas quoi répondre à une proposition, dites oui, vous verrez, ça marche !

 

 

Le manque d'écoute

 hi_i_don_t_care_thanks-base.png

Cette faute recouvre non seulement l'écoute comme défini dans le principe Proposer/Ecouter/Percuter, mais également le manque de percussion. Elle est extrêmement grave et je pense l'avoir croisé à quasiment toutes les tables de jdr où j'ai pu m'asseoir. Il ne s'agit pas seulement des propositions qui ne sont pas entendues ou oubliées parce qu'on était en train de gérer autre chose, on traite ici réellement d'une faute de jeu nuisant à l'ensemble du scénario.

 

"Je me fais braquer, je ne panique pas", "je suis blessé, ça ne se voit pas", "mes joueurs font du roleplay entre eux, ça n'est pas dans mon scénario, donc ça n'est pas important", "2 joueurs jouent ensemble, il faut absolument que j'intervienne dans la conversation". Quel que soit votre sytle de maîtrise, cette faute est très grave car elle tue les enjeux, décrédibilise les scènes et laisse échapper tous les rebondissements que vous pourriez trouver. En match comme dans le jdr, on voit souvent des joueurs rentrer de force dans une scène qui n'avait absolument pas besoin d'eux. Pour éviter cet écueil, demandez-vous toujours "est-ce que la scène a besoin de moi ?". Robert Gravel avait un petit proverbe disant "quand la scène est bonne, ne rentre pas, quand l'impro est mauvaise, ne rentre pas". Dans le premier cas, vous êtes inutile, dans le second, vous risquez de faire empirer les choses. Il faut donc intervenir juste au moment où la scène commence à battre de l'aile (cette règle s'applique que vous soyez MJ ou joueur).

 

Ecoutez les silences ! N'ayez pas peur de certains d'entre eux. Un public peut tenir quasiment 30 secondes suspendu aux lèvres d'un joueur ou d'un Meneur avant de commencer à s'ennuyer. Prenez votre temps pour écouter ce que dit le silence... ils sont souvent très précieux à une table de jdr !

 

Cette faute se rapporte à un autre mécanisme de peur : "je ne veux pas me laisser toucher par ce qui se passe sur scène". Il est tout à fait effrayant de se livrer, de se montrer vulnérable et d'être changé par les autres protagonistes de l'histoire, néanmoins il faut parvenir à surmonter cette peur. Ce qu'on veut voir dans une histoire, c'est des personnages qui sont changés par ce qui leur arrive.

 

 

Le cabotinage

Clown-manege-a-Corbie-Gerald-Antoine.jpg 

Sacro-sainte horreur de l'improvisateur, le cabotinage est cette blague - peut-être drôle - qui n'a rien à voir avec l'histoire ou du moins ne la nourrit pas. Pire, elle lui tire une balle dans le pied : le cabotinage s'identifie clairement au blanc qui suit l'extinction des spasmes des zygomatiques. On ne sait pas comment continuer. Il va soit falloir faire un effort pour justifier ou intégrer la boutade, soit faire comme si elle n'avait pas été dite pour avancer.

 

Evidemment, en jdr, on est là pour se marrer et passer un bon moment. Le fameux "on joue lô c'est sérieux", nous rappelle de ne pas prendre trop à coeur ce cher loisir. Néanmoins, quand vous improvisez, cabotiner c'est se tirer une balle dans le pied, même dans un I.N.S. / M.V., il n'est pas recommandé de mettre à mal sa concentration de cette manière. 

 

Ici le mécanisme de peur c'est "j'ai besoin de mettre de la distance entre moi et l'histoire". Ainsi, on ridiculise ce qu'il se passe, on ne se laisse pas toucher par les événements du scénario et on se fait aimer des autres sans prendre de risque. Quand vous improvisez, prenez des risques ! Ce qu'on aime, c'est voir des gens réussir avec brio ou échouer avec panache. Je reviendrai sur l'importance de la désacralisation de l'échec plus tard.

 

 

Le décrochage

 behind_the_mask_III_by_dinemiz.jpg

C'est probablement la "faute" que j'observe le plus souvent en jdr qui est notamment dû au format. Nous sommes autour d'une table et le roleplay est (souvent) considéré comme une option de jeu et non pas la norme. C'est sûr, 6h de roleplay pur c'est extrêmement fatiguant et puis il faut bien faire du meta-game pour expliquer au MJ ce que fait notre personnage. Donc le décrochage fait partie intégrante du fonctionnement d'une partie de jdr. Néanmoins, quand vous improvisez (en tant que MJ ou en tant que Joueur), décrochez le moins possible. C'est une attitude vertueuse à la table (surtout dans une partie d'ambiance) : un joueur qui ne sort pas de son personnage, c'est quelqu'un qui va donner envie aux autres joueurs de faire de même et crédibiliser ce qui se passe dans l'histoire. Enfin, il est plus facile de jouer avec quelqu'un totalement impliqué dans son rôle qu'avec une personne dont chaque phrase pourrait être sous-titrée par "vous avez eu, hein, je joue quelqu'un, c'est pas moi là, je fais semblant".

 

Si vous faites du roleplay, si vous improvisez, allez-y à fond ! Mais vraiment à 200%. L'impro ne peut pas fonctionner si vous êtes à 99% ou dans le second degrés. Keith Johnstone dit "Don't act, just be". Si vous jouez quelqu'un, ça ne marche pas, il faut être tout simplement.

 

 

Le retard de jeu

polar-bear    

Dans l'un des épisodes de Lost, l'une des héroïnes est poursuivie par un ours blanc. La scène n'apporte guère qu'une ambiance de boîte à mystères (chère à J.J. Abrams) mais rien d'autre narrativement parlant. Cet élément ne sera jamais repris dans l'histoire... il devient donc inutile. 

 

Aussi appelé faute de "on se fait chier", elle est sifflée lorsque les joueurs s'attardent sur des éléments dont on n'a que faire par rapport à l'intrigue. Cela arrive parfois en jdr et, malheureusement, 9 fois sur 10, c'est le fait du Meneur : en effet, le MJ fait vivre tout un bout d'aventure aux joueurs, mais celui-ci ne sert en rien l'intrigue principale. Si on devait faire un résumé de la partie, ce passage serait immédiatement zappé.

 

Lorsque vous improvisez, rien ne doit être gratuit, tout doit être récupéré. Il est inutile de chercher à imaginer une trame sur le vif, vous avez normalement déjà tout à disposition.

 

Je m'arrêterai là pour l'instant. Il existe bien d'autres fautes mais qui ne s'appliquent pas forcément au jdr ou très indirectement...

 

 

Le mot de la fin

 

Le match est très éloigné du format du jdr, mais il a le mérite de pointer du doigt certains mécanismes de peur qui surviennent sitôt que l'on se lance dans l'improvisation. Nous aurons l'occasion d'en voir d'autres qui peuvent intervenir sur des formats dirigés.

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17 avril 2012 2 17 /04 /avril /2012 15:06

Entamons le vif du sujet : comment construire une histoire intéressante ?

 

Les techniques de storytelling me servent tout le temps : lors de l'écriture de mes scénarios, lorsque je maîtrise en improvisant un peu (jouer un PNJ, trouver un rebondissement, etc.), lorsque je suis joueur.

 

Quelques outils de Keith Johnstone

 

Keith a créé un panel d'outils trouvant leur application directe dans les formats de spectacles qu'il a créé (le Micetro, le Theatre Sports,...). Il est important de souligner qu'il s'agit d'un système qu'il faut explorer par soi-même, les quelques outils que je peux donner ne sont pas des recettes miracle, je le rappelle ! En voici quelques uns :

 

 

La Plateforme

 

Elle est la base de la scène qui contient les informations nécessaires à son développement. On les obtient en répondant à 5 questions majeures :

 

  • Qui sommes-nous ?
  • Quelle est notre relation ?
  • Où sommes-nous ?
  • Quand sommes-nous ?
  • Que faisons-nous ?

 

Aussi évidentes que semblent ces questions, rappelez-vous combien de fois vous y avez répondu entièrement au début d'une scène de jdr. Combien de PNJ oubliés dans un coin ? de relations en suspens, non définies ? de lieux vagues ou d'horaires approximatifs ? C'est fort dommageable car la plateforme est un outil puissant pour donner du relief à une scène. Pour cela, rien de plus simple : définissez de la manière la plus banale possible 4 éléments sur les 5. Ensuite, prenez le dernier élément qui reste et définissez-le de manière surprenante.

 

Par exemple : dans une partie de Centile (au hasard), vous démarrez une scène avec 2 PJ. L'un est Sénateur, l'autre est son directeur de campagne (identité et relation : check), ils sont dans un bureau du Centre de la capitale (lieu : check) et sont en train de rédiger les dernières phrases du discours que le Sénateur doit prononcer (action : check). Maintenant, pour donner du relief à cette scène, faisons sortir la donnée temporelle hors du commun : il est 3h du matin et aujourd'hui démarre le carnaval dédié à Sainte-Horini qui devrait durer 8 jours.

 

Personnellement, il ne m'en faut pas plus pour voir les possibiliés de scénario, des brisures de routine (on va voir ça plus bas), d'envisager des scènes intéressantes, etc. Je vous invite à utiliser cette technique lors de l'écriture de votre prochain scénar', vous allez voir, ça met de l'huile dans les rouages.  

 

swordfish4.gif

Le début d'opération espadon est un bon exemple de plateforme intéressante. Tout est relativement banal pendant les premières minutes jusqu'à ce que l'on définisse la relation preneur d'otages/flic entre John Travolta et Don Cheadle.

 

 

Routine et brisure de routine : "be boring, be obvious"

 

Comment susciter l'intérêt ou maintenir la curiosité des joueurs ? Lorsque l'on m'a enseigné ce concept, on m'a parlé de cette vidéo bien connue (regardez à partir de 2:15). Dans cette vidéo, on a un exemple typique de routine/brisure de routine qui maintient l'intérêt du spectateur. Dans un contexte de jdr ça donne : vos joueurs effectuent une action (ex : le Sénateur et son directeur de campagne discutent), soudain elle est interrompue et les joueurs entament une nouvelle routine (une coupure de courant les empêchent de continuer à écrire, les joueurs sont maintenant en train de chercher un moyen de rétablir le courant).

 

Ce qui est très important dans une brisure de routine, c'est qu'elle aparaisse comme relativement normale. L'un des grands travers que l'on rencontre dans l'improvisation en jdr comme au théâtre est le besoin d'être original (ex : et soudain des ninjas rentrent dans le bureau en fracassant les fenêtres !!). Keith Johnstone invite souvent ses improvisateurs à être "évidents", voire carrément "ennuyeux". N'ayez surtout pas peur de taper dans la banalité quotidienne, car cela permet de faire monter petit à petit la tension et donne plus de relief aux tilts (on va y venir aussi).

 

Enfin, l'avantage de la banalité est qu'elle n'implique pas de fournir des explications tarbiscotées à coup de complots à 15 étages. Si vous êtes en impro, vous avez tout intérêt à vous simplifier les choses (mais faites-vous plaisir si vous êtes en train d'écrire votre scénario). Ex : la lumière s'est éteinte car un plomb a sauté tout bêtement, lorsque le Sénateur retrouve le gardien pour lui demander ce qu'il se passe... [introduire la prochaine brisure de routine ici]

 

Les brisures fonctionnent d'autant mieux que les joueurs "percutent". C'est-à-dire que leur réaction émotionnelle est forte : peur, colère, etc. Jouer un tough guy impassible qui ne se laisse toucher par rien est rarement une bonne idée. Cela a tendance à minimiser les enjeux et à "aplanir" le scénario. Je reviendrai plus tard sur ces mécanismes de construction de scène.

 

 

Le tilt

 

Vous l'avez probablement déjà utilisé lors de vos scénarios : il s'agit de la révélation qui fait totalement basculer l'histoire ou plutôt, et j'insiste là-dessus, les relations. Il peut s'agir d'un indice, d'un avoeu ou d'une découverte à l'instar de "la bombe sous la table" d'Hitchcock dans Sueurs Froides.

 

C'est donc un moment charnière qu'il ne faut pas rater, peu importe de quel côté de l'écran on se trouve. Il faut percuter, réagir, ne pas minimiser ce qui se passe. Un bon tilt fait en génaral totalement basculer les relations. L'un des plus gros tilts du cinéma étant évidemment un certain "je suis ton père"... Remarquez à quel point il trouve sa force dans la réaction de Luke.

 

empire-strikes-back.jpg

Chouchoutez vos tilts, amenez-les lentement et surtout rendez-les évidents. Ex : Le directeur de campagne découvre que le Sénateur lui a caché qu'il avait eu un fille suite à une relation extra-conjugale. Le sentiment de trahison, la culpabilité, le manque de confiance, l'énervement... tout ça doit ressortir pendant la scène.

 

Le tilt est donc une super-brisure-de-routine qui n'influe pas tant sur l'action que sur la relation. Ce qu'on veut voir dans une scène, c'est les personnages être changés par ce qui leur arrive. Par exemple, l'un des tilts récurrents dans Centile est le fait qu'un joueur ou un PNJ se considère désormais comme un dieu et dédaigne tous ceux qu'il ne reconnaît pas comme ses pairs. 

 

 

Je me limiterai pour l'instant à ces rapides descriptions d'outils de storytelling qui constituent déjà un bon socle pour improviser.

 

 

Proposer / Ecouter / Percuter

 

Ne vous êtes vous jamais retrouvé à une table où tout semblait présent pour réussir mais la mayonnaise ne prenait pas ? Combien de situations de roleplay ont tourné en rond ? Comment éviter le verbiage ennuyeux lors d'une scène purement roleplay ?

 

Dans pareille situation, l'un des outils que l'on m'a exposé fonctionne grâce au triangle "proposer/écouter/percuter" :

  • Proposer : Une proposition n'est pas forcément verbale. Elle est tout élément scénique qui peut être récupéré pour servir l'histoire. En ce sens, un silence peut tout à fait être une proposition. Il est important de voir que les propositions sont partout ! Keith Johnstone va même jusqu'à dire que lorsque vous avez l'impression qu'il n'y a pas de proposition, en vérité celle-ci a été déjà formulée (maladroitement). La distance entre vos personnages, un élément de décor, une posture, un ton,... tout ça ce sont des propositions qu'il faut savoir récupérer. Si vous êtes MJ et en pleine impro, il faut impérativement savoir les repérer !

 

  • Ecouter : On ne parle pas ici seulement d'ouïe, mais de bien percevoir toutes les propositions qui ont été faites. Comme elles sont polymorphes, il faut savoir développer son écoute : toujours avoir ses joueurs à l'oeil (et donc maintenir une bonne distance à la table), éviter les parasites (comme le HRP abusif), clarifier les propositions, etc. Rappelez-vous toujours : si une proposition est zappée ou mal comprise, ce sera toujours la faute des 2 personnes (proposeur et écouteur). Combien de fois ai-je vu un MJ ou un joueur balancer des vannes acerbes à la table parce que sa proposition n'avait pas été entendue... 

 

  • Percuter : Il s'agit de se laisser toucher par ce qui se passe sur scène. Un mécanisme de défense classique, dû à la peur que suscite l'improvisation, est de se blinder et de rester impassible face à un événement. Criez, hurlez, tremblez, pleurez, sautez, riez, embrassez, courrez, arrachez-vous les cheveux, mais faites quelque chose quand on vous envoie une proposition qui sort de l'ordinaire (ou pas d'ailleurs) ! C'est ainsi qu'une scène peut décoller. Ne fuyez pas la scène, ne vivez pas "ailleurs" ce que vous pouvez vivre ici. Ne niez pas les propositions par une absence de réaction (même si je parlerai aussi des "non" qui sont utiles, voire nécessaires à la scène).

 

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Dans ce grand moment d'American Beauty, Kevin Spacey annonce sa démission à Annette Bening qui "percute" en s'énervant. Elle "propose" un discours moralisateur histérique et Kevin Spacey percute merveilleusement en balançant un plat d'asperges. Il s'agit quasiment d'un tilt : le rapport de force entre mari et femme vient de changer. 


C'est tout pour aujourd'hui, mais c'est déjà pas mal de pratique pour maîtriser ces concepts qui demandent énormément de spontanéité. Pour y arriver, il faut parvenir à désamorcer certains mécanismes de peur, sur lesquels je parlerai très prochainement.

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12 avril 2012 4 12 /04 /avril /2012 18:19

Comme promis, je commence un thread sur les techniques d'impro que j'utilise dans le jdr. Mais avant toutes choses, j'aimerais être très clair sur ce que vous trouverez ou pas dans ce type d'articles.

 

Ce que vous trouverez :

  • Des concepts d'improvisation théâtrale éprouvés
  • Des "trucs" qui marchent parfois sous forme de phrases simples à retenir
  • Des conseils pour approfondir le sujet à travers des lectures
  • Des retours d'expérience présentés humblement
  • Des questionnements, des idées en suspens et pas mal de points de suspension

Ce que vous ne trouverez pas :

  • Des théories fumeuses sorties de mon chapeau-claque
  • Des points de vue personnels exposés en principes directeurs n'ayant aucune légitimité
  • Des trucs pas trop brouillon qui partent dans tous les sens (espérons-le )
  • Des recettes miracles
  • Des réflexions fermées

J'espère pouvoir respecter ce petit contrat social, let's get down with business now !

 

 

Une (très très) rapide histoire de l'impro

 

On trouve des traces d'improvisation dans certains pièces antiques où des passages étaient improvisés. Toutefois, on s'accorde généralement autour du 16eme siècle pour parler des débuts de l'improvisation théâtrale avec la Commedia dell'arte.

 

Une chose importante à savoir est que les premiers improvisateurs étaient des acteurs chevronnés ! Quand certains se sont vus dire :

 

"Ok alors tu vas monter sur scène sans texte, sans décor, tu vas improviser pendant un temps qui ne sera pas forcément défini et si ce que tu fais ne plaît pas au public, ils peuvent t'envoyer des chaussons à la gueule pour te le signaler."

 

... c'est plutôt un signe de bonne santé mentale que de prendre peur.

 

Fin du XIXeme, l'un des premiers théoriciens reconnu est l'acteur et le directeur Russe Konstantin Stanislavski. Nous aurons l'occasion de revenir dessus mais, très très grossièrement, Stanislavski se base sur la mémoire émotionnelle de l'acteur pour faire fonctionner les scènes.

 

D'autres écoles sont lancées dans les années 40, aux Etats-Unis, avec Viola Spolin (ayant une approche très ludique de l'impro), et un peu plus tard Del Close qui développe une théorie plus organique de l'improvisation.

 

Puis lors du dernier quart de siècle, l'Anglais Keith Johnston devient l'un des grands pères fondateurs de la théorie narrativiste mettant l'accent sur la construction des histoires ou storytelling.

 

Je ne développerai pas plus pour des raisons de concision ici (je sais qu'on m'en voudra de ne pas citer Robert Gravel dont l'influence a été colossale). Je tiens simplement à souligner au passage le temps de maturation qui a été nécessaire à l'élaboration de ces théories et à leur reconnaissance par le milieu... autant dire qu'à côté, le jdr fait figure de nouveau né qui a encore plein de choses à développer !

 

 

Trois grands types d'impro 

 

A peine ai-je commencé que je fais déjà du caricatural. Ma déclinaison ne fait pas consensus dans le milieu théâtral, mais je l'utilise pour des raisons pratiques, veuillez donc m'excuser pour cet écueil. Les voici donc :

 

  • Approche ludique : L'impro s'articule autour d'un jeu dont les règles sont connus du public et (en général) de tous les joueurs. Ex : 2 joueurs sont séparés par une ligne, le premier à faire passer le second de l'autre côté de la ligne (sans recourir à la force, hein) a gagné, signant ainsi la fin de l'impro.

 

  • Approche organique : L'impro se nourrit de ce qui vient du groupe. L'histoire est secondaire, l'intérêt est de souligner les propositions du groupe entier et de les exploiter dans des jeux de scènes dont les "règles" sont improvisées. Ex : Un joueur fait une grimace lorsque son partenaire est de dos. Il décide de se prendre au jeu et de faire des grimaces de plus en plus osées quand l'autre joueur ne le voit pas. Le jeu s'arrête quand l'un des deux joueurs "perd".

 

  • Approche narrative : L'impro propose de raconter une histoire (intéressante) au public. Elle se base sur la construction d'enjeux dramatiques dont la résolution signe la fin de l'impro. Ex : 2 joueurs posent un couple dans une cuisine, une dispute éclate, le mari est rongé par la culpabilité et trouve le moyen de se racheter aux yeux de sa belle. (Je sais, c'est très basique).

 

Ca vous rappelle pas quelque chose ça ??? 

 

Certains auront reconnu un petit parallèle avec le système LNS (pour Ludique, Narrativiste, Situationniste) décrit notamment sur l'excellent e-magazine Places To Go People To Be.

 

J'explorerai avec plaisir les parallèles entre ces systèmes et leurs homologues de l'improvisation dans d'autres posts dédiés spécifiquement. Mais il faut encore poser quelques bases...

 

 

De l'importance des formats 

 

On ne travaille jamais qu'un type d'improvisation lorsque l'on joue ou que l'on s'entraîne. Et pour bien le faire, il est nécessaire de connaître les exercices et les formats de spectacles adaptés. Fort heureusement, en improvisation théâtrale, c'est assez simple : théories et formats sont souvent nés ensemble, on se trompe donc rarement pour peu qu'on fasse attention. Il m'est tout de même arrivé de traiter un format originellement destiné à de l'organique (un "Harold") de manière narative... et ça fonctionnait.

 

Dans le jdr, c'est plus compliqué : les jeux de rôle sont rarement estampillés d'un macaron indiquant "MJ narrativists only" et se veulent souvent (à tord ou à raison) assez polyvalents. Ce qui est sûrement l'origine des cafouillages monumentaux et des débats qui partent dans tous les sens quand on parle d'un jeu de rôle : on manque de cadres pour penser et on se risque à comparer des choux et des carottes. 

 

Ainsi, l'approche du MJ et l'approche de l'auteur d'un jeu ne rentrent pas nécessairement en concordance. Pire, on est difficilement conscient de cette dissonnance. Toutefois, cela ne préjuge pas de la qualité du jeu.

 

Tentons donc de démêler un peu notre sac de noeuds et de se donner quelques grandes typologies de jdr. On pourra se questionner plus tard sur la ou les approches qui s'y prêtent le mieux. Sans prétendre être exhaustif, on peut distinguer :

 

  • Le jdr de genre : son intérêt vient de l'ambiance et de l'esprit dans lequel les joueurs évoluent. L'univers est a priori en grande partie connu des joueurs sans qu'ils aient eu besoin d'ouvrir le livre de base (contexte historique connu, typologie de personnages familière, etc.). On y jouera facilement selon un mode narrativiste ou organique.
    • Genre horrifique
    • Genre historique
    • Genre uchronique
    • Genre super-héros
    • Genre enquête
    • Genre contemporain
    • Genre humoristique
    • Genre érotique
    • ...

 

  • Le jdr à univers : son intérêt vient de la richesse du monde dans lequel les personnages évoluent et leur interaction avec celui-ci. Le narrativisme ou l'approche ludique se prête bien à ce type de jeu.
    • Univers fantastique/merveilleux
    • Univers basé sur une oeuvre littéraire ou cinématographique
    • Univers SF
    • Univers steampunk
    • ...

 

  • Le jdr "collaboratif" : son intérêt vient de la grande part d'improvisation dans le scénario que l'on construit collaborativement au fur et à mesure de l'intrigue. Les techniques ludiques, organiques ou narratives se retrouvent toutes dans ce type de jdr.
    • Jdr à MJ tournant
    • Jdr sans MJ
    • ...

 

Bien entendu, un jeu peut être transverse à ces catégories bien que l'une sera évidemment dominante. C'est bien pour cela que je me suis gardé de citer des jdr en exemple 

 

Voilà, les jalons sont posés et déjà certainement discutables, mais au moins ça rendra les choses plus claires pour la suite !

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